La procédure de réorganisation judiciaire : Un remède indiscutable aux conséquences financières de la crise COVID-19 sur les entreprises

Afin de limiter la propagation du virus Covid-19, et d’atténuer tant que faire se peut ses répercutions en terme de santé publique, nos instances ont opté pour un confinement strict de la population, ce qui a nécessité la fermeture des établissements horeca et la limitation de toutes les activités commerciales et économiques de notre pays.

C’est ainsi l’ensemble des secteurs économiques qui sont touchés par cette crise. Personne n’est épargné.

Le chiffre d’affaires est en chute libre, tandis que les charges incompressibles elles, continuent d’affluer et doivent être honorées.

Cette situation met à mal l’équilibre financier de nombreuses entreprises, et ceux qui ne disposent pas des liquidités suffisantes pour affronter cette crise voient leur passif augmenter de manière spectaculaire.

Les mesures prises par notre gouvernement pour aider les entreprises dans cette situation se révèlent bien souvent insuffisantes. Nombreux sont ceux qui déjà craignent le pire et redoutent de n’avoir d’autre choix que de devoir déposer le bilan à terme.

La plupart de ces entreprises ne connaissaient pourtant pas de problèmes financiers particuliers avant cette crise.

La procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif pourrait leur offrir une alternative particulièrement efficace. A ce point d’ailleurs que des demandent seraient actuellement émises afin d’en faciliter et accélérer encore l’accès, en cette période particulièrement troublée de crise du Covid-19.

Cette procédure a pour objet d’amener les créanciers à accepter des réductions – parfois considérables – de leurs créances, et à en permettre le remboursement sur une période pouvant aller jusque 5 ans.

La présente contribution vise à présenter de manière sommaire les étapes et objectifs de cette procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif.

     1.      Qui peut en bénéficier ?

Toute entreprise, au sens large, peut solliciter le bénéfice des mesures prévues par cette procédure de réorganisation judiciaire.

La demande peut donc être introduite par une personne physique, une société ou encore une association, telle une ASBL.

Les titulaires de professions libérales sont également admis à recourir à cette procédure.

Pour que ces entreprises puissent y avoir accès, il suffit de pouvoir démontrer que la continuité de l’entreprise est, de par l’accumulation de ses dettes, menacées à court ou moyen terme.

Cette condition est généralement appréciée de manière assez souple par les Tribunaux.

        2.      Le dépôt de la requête

L’introduction de cette procédure se fait par le dépôt d’une requête devant le Tribunal de l’Entreprise du ressort dans lequel se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Il s’agira bien souvent du Tribunal de l’arrondissement dont relève le siège social du débiteur.

Cette requête devra :

  • faire état des difficultés rencontrées par le débiteur et de la menace qu’elles représentent pour la continuité de son entreprise ;
  • exposer les mesures envisagées afin de redresser sa situation ;
  • identifier l’ensemble des créanciers de l’entreprise, et le montant de leurs créances respectives.

La requête devra enfin s’accompagner de pièces comptables, établies avec l’assistance d’un professionnel du chiffre, telles qu’une situation comptable ne remontant pas à plus de trois mois, ou encore un budget provisionnel des recettes et des dépenses sur les prochains mois.

Ces pièces doivent permettre au Tribunal de se faire une idée précise sur la situation financière du débiteur, et de s’assurer que la mise en place de la procédure en réorganisation judiciaire pourra se dérouler sans aggraver cette situation.

Si des saisies devaient entretemps être mises en œuvre par les créanciers, le débiteur pourra, dans sa requête, solliciter la suspension de la vente des biens ainsi saisis.

Solliciter l’ouverture d’une procédure en réorganisation judiciaire nécessite donc une certaine préparation qu’il conviendra d’anticiper.

Il importe de noter que le seul dépôt de la requête offre au débiteur une protection importante puisqu’à compter de ce dépôt, l’entreprise ne peut être déclarée en faillite, ni être dissoute judiciairement.

      3.      Effets de l’ouverture de la PRJ 

Si le tribunal fait droit à la demande et déclare ouverte la procédure de réorganisation judiciaire, un sursis, dont la durée est déterminée par le Tribunal en fonction des circonstances propres à chaque situation, est alors octroyé au débiteur.

Ce sursis sera d’une durée maximale de 6 mois, éventuellement prorogeable à certaines conditions.

Pendant la durée de ce sursis, l’activité de l’entreprise se poursuit normalement.

Toutefois, les créanciers sursitaires, à savoir ceux dont la créance est antérieure au dépôt de la requête, ne pourront exiger le paiement de leurs dettes ou pratiquer des saisies en vue de procéder à leur recouvrement.

L’ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire gèle donc l’ensemble des dettes existant au jour du dépôt de la requête.

Le débiteur est tenu en revanche de s’acquitter avec régularité des dettes nées postérieurement au dépôt de cette requête, et résultant souvent de la poursuite de son activité.

Cette période de sursis constitue ainsi une bulle d’oxygène pour le débiteur et est destinée à lui permettre d’élaborer sereinement un plan de remboursement de ses dettes.

Ce plan sera soumis aux créanciers à l’issue du sursis.    

     4.     L’élaboration du plan 

Pendant le sursis qui lui est accordé, le débiteur est donc amené à élaborer un plan de réorganisation.

Ce plan se compose d’une partie descriptive et d’une partie prescriptive.

La partie descriptive du plan décrit l’état de l’entreprise, les difficultés qu’elle rencontre et les moyens à mettre en œuvre pour y remédier. Elle précise la manière dont le débiteur envisage de rétablir la rentabilité de l’entreprise.

La partie prescriptive contient quant à elle les mesures concrètes à prendre pour désintéresser les créanciers sursitaires.

Sous quelques réserves, ces mesures peuvent être déterminées par le débiteur de manière totalement libre, en fonction de ses capacités de remboursement. Le plan peut notamment prévoir :

  • un abandon des intérêts, majorations ou frais comptabilisés par les créanciers ;
  • un abattement de créances en principal et intérêts, qui ne peut toutefois être supérieur à 80% du montant principal de la créance (le débiteur est donc tenu de rembourser au minimum 20% du montant principal de chaque créance)
  • un traitement différencié de certaines catégories de créanciers ; certains créanciers, considérés comme essentiels à la continuité de l’entreprise pourraient donc obtenir un traitement privilégiés par rapport à d’autres (bailleur, fournisseur privilégié) ; en ce cas, les créanciers institutionnels devront néanmoins faire partie de la catégorie des créanciers les plus favorisés ;
  • etc.

Les remboursements pourront être effectués sur une période qui n’excède pas 5 ans à compter de l’homologation du plan.

Les créanciers disposant d’une sûreté réelle sur un ou plusieurs éléments du patrimoine du débiteur (créancier hypothécaire, créancier-gagiste, créancier bénéficiant d’une clause de réserve de propriété,…) bénéficient quant à eux d’une situation privilégiée. Sauf consentement individuel de leur part, ils ne pourraient se voir imposer d’autres mesures affectant leurs droits qu’une suspension de l’exercice de ceux-ci pour une durée de 24 mois.

A défaut d’être désintéressés à l’issue de cette période de 24 mois, ces créanciers pourraient reprendre les mesures d’exécution sur les biens affectés en garantie de leur créance.

     5.     Le vote du plan et son homologation

Le plan ainsi élaboré est soumis au vote des créanciers lors d’une audience fixée par le Tribunal. Les créanciers peuvent voter en faveur ou contre ce plan.

Le plan de réorganisation est tenu pour approuvé lorsqu’il recueille le vote favorable de la majorité des créanciers représentant, par leurs créances, la moitié de toutes les sommes dues en principal.

La procédure de réorganisation judiciaire constitue, en général, une alternative à la faillite de l’entreprise. Les créanciers seront donc souvent disposés à accepter des abattements – parfois importants – de leurs créances après avoir pris conscience qu’en cas de faillite de leur débiteur ils ne percevront strictement rien, ou encore qu’en cas de sauvegarde de son activité ils pourront continuer à faire des affaires avec celui-ci.

Le plan approuvé à cette double majorité s’impose à l’ensemble des créanciers sursitaires du débiteur, en ce compris ceux qui, par leur vote, s’y étaient opposés.

Une fois adopté, le Tribunal, après s’être assuré de la régularité de la procédure, homologue le plan de remboursement par décision de justice, ce qui permet de rendre ce plan contraignant pour tous les créanciers.

     6.     L’exécution du plan

Le plan de réorganisation homologué devra évidemment être scrupuleusement respecté par le débiteur, qui devra veiller à désintéresser ses créanciers suivant les modalités déterminées dans le plan.

A moins que le plan lui-même n’en dispose autrement, son exécution complète libère totalement et définitivement le débiteur pour toutes les créances y figurant.

La renonciation éventuelle aux intérêts et frais ou les abattements consentis par les créanciers seront définitivement acquis au débiteur.

A l’inverse, si le débiteur n’est pas en mesure de respecter les modalités de remboursement stipulées dans le plan, tout créancier peut en demander la révocation au tribunal, le débiteur concerné étant entendu à cet égard.

Si le Tribunal fait droit à la demande de révocation, celle-ci prive le plan de réorganisation de tout effet, sauf pour ce qui concerne les paiements et les opérations déjà effectués.

Du fait de la révocation, le débiteur et les créanciers se retrouvent dans la position qu’ils auraient occupée en l’absence de plan de réorganisation homologué.

Les créanciers pourront donc reprendre les mesures d’exécution sur les biens de leur débiteur, en vue de recouvrer la totalité de leur créance initiale.

Dans les faits, le débiteur confronté à la révocation du plan de réorganisation est très souvent amené à faire aveu de faillite, bien que d’autres solutions, que nous n’aborderons pas dans le cadre de la présente contribution, pourraient encore être envisagées (nouvelle PRJ par accord collectif ou PRJ par transfert d’entreprise).

A défaut, les mesures ainsi mises en œuvre sont censées offrir une solution efficace à des problèmes de liquidités temporaires, mais menaçant à terme la continuité de l’entreprise, situation dans laquelle beaucoup d’entreprises se retrouvent en raison de cette crise Covid-19.

     7.     Conclusion

La procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif vise à offrir une solution efficace aux problèmes temporaires de liquidités que peuvent rencontrer de nombreuses entreprises du fait de la crise Covid-19, et qui sont susceptible de menacer à terme la continuité de leurs activités.

La présente contribution, qui se limite à offrir certains éclaircissements sur la procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif, ne constitue certainement pas une présentation exhaustive de la matière et de l’ensemble des moyens à la disposition des entreprises en difficultés.

Ainsi, d’autres mesures peuvent être mobilisées, telles que la procédure de réorganisation judiciaire par accord amiable ou encore par transfert d’entreprise.

Bien que la procédure de réorganisation judiciaire par accord collectif nous semble être particulièrement adaptée à la crise que nous traversons actuellement, il va de soi que chaque situation doit être appréhendée individuellement.

Par ailleurs, si cette procédure présente des avantages indéniables pour les entreprises en difficultés, elle peut néanmoins s’avérer particulièrement contraignante et néfaste pour ses créanciers qui souffrent eux-mêmes de la crise, et comptent ainsi sur le remboursement de leurs créances pour y faire face.

Afin d’assurer un certain équilibre entre les intérêts de chacun, le législateur a bien entendu instauré un certain nombre de « gardes-fous » et mis en place plusieurs mesures de protection des créanciers, en vue de leur permettre de veiller à la sauvegarde de leurs droits et de leurs créances.

Ces mesures de protection n’ont pas été abordées dans le cadre de la présente contribution, mais il est certain que le débiteur en difficultés devra en tenir compte s’il envisage de solliciter une procédure de réorganisation judiciaire.

 

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